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Assurance chômage des cadres : la CFE-CGC dénonce un marché de dupes

Assurance chômage des cadres : la CFE-CGC dénonce un marché de dupes

La logique assurantielle de l’assurance chômage menacée…

Extrait de l’article publié dans la Tribune.fr du 27 février 2019 :

Lors d’une conférence de presse le 26 février, le Premier ministre Édouard Philippe a confirmé que le gouvernement envisageait de réduire les allocations chômage versées aux cadres. Les syndicats, dont la CFE-CGC, sont opposés à la mesure, qui ne devrait rapporter que peu d’économies, tout en menaçant la logique assurantielle de l’assurance chômage.

Recevoir moins, mais cotiser autant. Voici ce à quoi pourraient s’attendre les cadres en matière de chômage. C’est ce que redoute François Hommeril, le président de CFE-CGC, après les annonces d’Édouard Philippe de mardi 26 février. « La seule manière de faire des économies avec le chômage des cadres, c’est de réduire les allocations à cotisations constantes », avance le leader du principal syndicat des cadres.

En 2017, selon les chiffres de la CFE-CGC, les cadres finançaient 42% des ressources du régime d’assurance chômage, et ne recevaient que 15% du total des allocations. Baisser leurs cotisations d’autant que leurs droits ferait perdre des milliards d’euros par an à l’Unédic, ce qui est évidemment l’inverse de l’objectif du gouvernement.

« Personne n’imagine que le gouvernement baissera le plafond des cotisations », confirme François Hommeril, qui ajoute : « En décorrélant les cotisations des allocations, c’est toute la logique assurantielle que l’on remet en question ».

Les cadres, contributeurs nets à l’assurance chômage.

Dans une logique assurantielle, le plafond d’allocation est fixé au même niveau que le plafond des cotisations. Le système est donc censé s’équilibrer de lui-même : les allocations reçues par les cadres qui tombent au chômage correspondent aux cotisations qu’ils paient lorsqu’ils travaillent.

Et l’équivalence n’est d’ailleurs que théorique : dans les faits, les cadres sont des contributeurs nets au régime, et de loin, du fait de leur moindre risque de connaître le chômage. D’où la part très supérieure des cotisations qu’ils versent par rapport aux allocations qu’ils reçoivent, comme le rappelait François Hommeril.

« Dans la logique assurantielle, la matérialisation du risque est une dimension essentielle. Comme le risque de tomber au chômage décroît très sensiblement avec le niveau de revenu, plus les plafonds sont élevés, plus le système est progressif. Et cela, même si les cotisations sont seulement proportionnelles. »

Une possible incitation au retour à l’emploi

Le gouvernement, quant à lui, défend son projet en soulignant que les cadres tendent à attendre la fin de leur période d’indemnisation pour reprendre un travail. Le faible taux de chômage des cadres (autour de 4% selon l’Apec) leur donnerait une certaine aisance à retrouver un travail, ce qui leur permettrait d’attendre de ne plus toucher des allocations assez généreuses pour se mettre à retrouver un emploi. Le ministère du Travail relève ainsi que plus l’indemnisation augmente, plus la durée d’indemnisation se prolonge : elle était de 419 jours en moyenne pour les demandeurs d’emploi touchant entre 2.000 et 3.000 euros par mois, contre 575 jours pour ceux dont l’indemnisation dépasse 5.000 euros.

Mais, outre le fait que des contrôles de l’activité des chômeurs existent, l’instrument le plus adapté serait alors d’introduire une certaine dégressivité dans les allocations. Une solution que n’écarte pas le gouvernement, mais qui se trouve vivement critiquée par les syndicats, et dont les effets sur l’emploi sont jugés néfastes par plusieurs études d’économistes (dont un rapport récent de l’OFCE).

Des économies limitées

Autre paradoxe, il n’est pas certain que réduire les droits des cadres permette de faire beaucoup d’économies. Baisser le plafond de 4 à 3 fois celui de la Sécurité sociale (de 7.700 à 5.775 euros par mois) ne rapporterait que 137 millions d’euros par an, selon les calculs de l’Unédic. Et même avec une réduction encore supérieure, par exemple à 2,5 fois le plafond (4.800 euros par mois), les économies atteindraient 285 millions d’euros par an. Tout cela, pour un coût politique qui pourrait s’avérer élevé pour le gouvernement.

Une autre possibilité, plus radicale, consisterait à sortir totalement de la logique proportionnelle. L’assurance chômage verserait une allocation forfaitaire, qui serait la même pour tous. Et que des caisses complémentaires privées pourraient compléter, sur le même modèle que les complémentaires santé. Le patronat avait un temps défendu un tel scénario, mais la probabilité qu’il soit retenu par le gouvernement paraît faible, tant il impliquerait un renversement du système actuel.

Si le gouvernement reste sur l’idée d’une baisse des plafonds, tous les obstacles ne seraient pas levés pour autant. Le patronat pourrait notamment exiger que les cotisations qu’il verse soient baissées d’autant que les allocations touchées par les cadres, ce qui annulerait sans doute les économies réalisées.

Du côté des syndicats de salariés, la bataille sera plus compliquée depuis que les cotisations salariales ont été basculées vers la CSG. Mais la CFDT et la CFE-CGC devraient cependant se montrer très hostiles au projet.

Pour François Hommeril, « le basculement à la CSG n’est qu’un artifice réglementaire. Au final, le salarié continue à cotiser, même si c’est par le biais de l’impôt et non celui des cotisations. »